empêcher

empêcher [ ɑ̃peʃe ] v. tr. <conjug. : 1>

• empeschier XII^e; bas lat. impedicare, de pedica → piège

1 ♦ Vx Entraver, empêtrer, gêner. « Empêché par son hoqueton Ne put ni fuir ni se défendre » (La Fontaine).

♢ P. p. adj. Littér. Embarrassé. ⇒ emprunté. « Les airs un peu empêchés que prenaient les gens » (Romains).

2 ♦ Cour. EMPÊCHER (qqch.) :faire en sorte que ne se produise pas (qqch.), rendre impossible en s'opposant. ⇒ éviter, interdire. « Car que sert d'interdire ce qu'on ne peut pas empêcher ? » (A. Gide). Empêcher l'accès à un lieu. ⇒ interdire. Il faut empêcher leur progression. ⇒ arrêter, 2. enrayer, 1. stopper.

♢ EMPÊCHER QUE (et le subj.). « Comment empêchera-t-elle qu'il ne soit sans cesse entouré d'ennemis ? » (Rousseau ). « Rien n'empêchera plus qu'une ombre funeste s'avance sur elle » (Colette). Cela n'empêche pas que vous avez, que vous ayez tort.

♢ Loc. de coordin. ( IL ) N'EMPÊCHE QUE...; cela n'empêche pas que... : cependant, malgré cela. « Ces drames [de Hugo] sont plus discutables; n'empêche que cela se lit » (Henriot). — Fam. N'empêche : ce n'est pas une raison (cf. Quand même; tout de même). N'empêche, elle aurait pu écrire.

3 ♦ EMPÊCHER (qqn) DE FAIRE (qqch.),faire en sorte qu'il ne puisse pas. ⇒ retenir (qqn de...) (cf. Mettre dans l'impossibilité de). Empêchez-les de se battre ! « Pour empêcher les autres de travailler » (Mac Orlan).

♢ (Sujet chose) « Aucune force au monde ne l'empêcherait d'accomplir ce qu'il avait une fois résolu » (F. Mauriac). « Qu'est-ce qui nous empêche d'être des hommes comme eux ? » (Rousseau). « Il me semble parfois qu'écrire empêche de vivre » (A. Gide). Loc. Ça ne l'empêche pas de dormir : cela ne l'inquiète pas outre mesure.

♢ Pronom. (surtout en tour négatif) Se défendre, se retenir de. « Je ne pus m'empêcher de vous aimer » (Scarron). Elle ne pouvait s'empêcher de rire. On ne peut s'empêcher de penser qu'il a raison.

⊗ CONTR. Favoriser, permettre; autoriser, encourager, laisser.

● empêcher verbe transitif (bas latin impedicare, prendre au piège, de pedica, entrave) Faire en sorte que quelque chose ne se produise pas ; éviter : Empêcher l'extension d'un conflit. Ne pas permettre à quelqu'un de faire quelque chose : S'il veut absolument y aller, on ne peut l'en empêcher. Constituer un obstacle qui interdit une action, un état : Pousse-toi, tu m'empêches de voir. ● empêcher (difficultés) verbe transitif (bas latin impedicare, prendre au piège, de pedica, entrave) Construction Empêcher que. 1. Empêcher que (+ subjonctif) : le mauvais temps a empêché qu'il ne parte ou qu'il parte (à la forme affirmative, le ne explétif est fréquent); ces nouvelles commandes empêcheront-elles que l'entreprise licencie ou ne licencie ? (à la forme interrogative, le ne explétif est généralement omis); les contrôles n'empêcheront jamais que des irrégularités soient commises (à la forme négative, le ne explétif n'est presque jamais employé). 2. Il n'empêche que, n'empêche que (+ indicatif ou conditionnel) : tu te couches tard, soit, il n'empêche que tu dois être à l'heure le matin ; tu te couches tard, n'empêche que tu devrais être à l'heure. Recommandation Dans l'expression soignée, en particulier à l'écrit, préférer il n'empêche que à n'empêche que, qui est familier. 3. Cela n'empêche pas que (+ subjonctif, indicatif ou conditionnel) : il ne détient qu'une petite partie du capital, cela n'empêche pas qu'il soit (ou qu'il est) le véritable patron de l'affaire (l'indicatif insiste sur la réalité du fait énoncé) ; il est attaché à la région, cela n'empêche pas qu'il partirait si son travail l'exigeait (le conditionnel marque l'éven-tualité du fait). ● empêcher (expressions) verbe transitif (bas latin impedicare, prendre au piège, de pedica, entrave) (Il) n'empêche que, indique une opposition ; cependant : J'ai dû renoncer, n'empêche que j'avais raison. ● empêcher (synonymes) verbe transitif (bas latin impedicare, prendre au piège, de pedica, entrave) Faire en sorte que quelque chose ne se produise pas ; éviter

Synonymes :

- arrêter

- barrer

- bloquer

- défendre

- entraver

- éviter

- paralyser

- s'opposer à

Contraires :

- encourager

- favoriser

Ne pas permettre à quelqu'un de faire quelque chose

Synonymes :

- défendre

- interdire

empêcher

v. tr.

d1./d Entraver (qqn) dans son action, ses projets; mettre dans l'impossibilité de (faire telle chose). Il a voulu m'empêcher de parler. Il faudrait empêcher qu'ils s'associent.

|| v. Pron. (Le plus souvent en tournure négative.) S'abstenir, se défendre de. Il ne peut s'empêcher de médire.

d2./d S'opposer, mettre un obstacle à. Empêcher une mauvaise action.

|| Loc. impers. Il n'empêche que, n'empêche que: malgré cela, et pourtant. Ces produits sont mauvais, n'empêche qu'ils se vendent.

— Fam. Il est tard, n'empêche, il aurait pu venir.

⇒EMPÊCHER, verbe trans.

A.— Vx. Gêner, embarrasser physiquement quelqu'un. En vain, toute la nymphe énorme et continue Empêche de bras purs mes membres harassés (VALÉRY, Charmes, 1922, p. 153).

B.— Faire obstacle, s'opposer à.

1. Empêcher. [L'obj. dir. désigne une pers. ou une chose] Empêcher la guerre, un mariage. Synon. gêner, contrarier; anton. permettre. Il faut souffrir ce qu'on ne saurait empêcher (RESTIF DE LA BRET., M. Nicolas, 1796, p. 86). Empêcher le relèvement économique (MALRAUX, Conquér., 1928, p. 173). À ton âge, on aime de s'amuser et ce n'est pas moi qui t'empêcherai (AYMÉ, Jument, 1933, p. 199) :

• 1. Sans doute, le cours de la vie, la médiocrité et la fatigue des besognes quotidiennes nous empêchent, et nos chétives aventures sont moins fécondes en réflexions que la magnifique détresse de Faust et de Pascal.

BARRÈS, La Grande pitié des églises de France, 1914, p. 88.

— Emploi abs., rare. La loi permet (...) la loi empêche (Code civil, 1804, art. 289, p. 55). Il y a des séparations, des poteaux, des filets pour empêcher (FLAUB., Corresp., 1853, p. 290).

— Emploi pronom. à sens passif. Ça aurait pu s'empêcher, il aurait suffi d'un peu de discipline... (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 523).

— Au passif. Être empêché. Être retenu par un obstacle (maladie, obligations) qui ne permet pas d'être présent. — J'ai été empêché à la dernière minute (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p. 254).

Rem. On rencontre l'emploi rare et vieilli. Empêcher qqc. à qqn. Le lui défendre, le lui interdire. Des scrupules suffisent à nous empêcher le bonheur (GIDE, Journal, 1893, p. 42).

2. Empêcher de + verbe à l'inf.

a) Empêcher qqn (parfois un animal) de + inf. Entraver dans son action, ne pas permettre de. Synon. interdire à. Empêcher les gens de.

— [Le suj. désigne une pers. ou un animal] Henri fut chargé d'empêcher les chèvres d'approcher un nid de caille (POURRAT, Gaspard, 1931, p. 123). Je vous ordonne d'empêcher de passer le premier individu qui se présente (COCTEAU, Machine infer., 1934, p. 38) :

• 2. Tu comprends, Florent, j'aurais beau tricher et fermer les yeux de toutes mes forces... Il y aura toujours un chien perdu quelque part qui m'empêchera d'être heureuse...

ANOUILH, La Sauvage, 1938, III, p. 256.

♦ [L'obj. n'est pas exprimé] Les punaises empêchaient de dormir (GONCOURT, Journal, 1860, p. 838).

— [Le suj. désigne un inanimé ou un neutre] Une migraine horrible l'empêchait presque de parler (CONSTANT, Journaux, 1814, p. 399). Qu'est-ce qui m'empêche de prendre (...) le train de Paris? (BERNANOS, Soleil Satan, 1926, p. 77) :

• 3. ... ils auraient bien voulu s'en aller, mais ils n'osaient pas s'en aller, chacun d'eux étant retenu par une espèce de fausse honte, qui l'empêchait de faire demi-tour.

RAMUZ, Derborence, 1934, p. 251.

• 4. Un gros oiseau gris s'effarouche dans la charmille et ne chante pas, de peur que je le reconnaisse : le coucou. Le printemps m'empêche de lire. Les derniers lilas, les premières aubépines passent dans le vent et le livre me glisse des mains.

MAURIAC, Journal 2, 1937, p. 109.

♦ [L'obj. n'est pas exprimé] La même défiance qui empêche d'agir, est aussi le grand obstacle à la parole improvisée (AMIEL, Journal, 1866, p. 132).

Rem. On rencontre ds la docum. la constr. vieillie et rare empêcher à qqn de + verbe à l'inf. Certains pressentiments que cet imbécile de sous-préfet lui avait empêché d'écouter (ZOLA, Fortune Rougon, 1871, p. 105). Elle [la baronne] avait sous les pieds un coussin brodé, qui lui empêchait de sentir le froid de la dalle (ID., Nouv. contes Ninon, 1874, p. 57). Ce qui n'empêche pas à l'auteur d'ajouter : ... (DUSSORT, Preuves exist., ms. dép. par G. Esnault en 1938, 1927, p. 138).

b) Empêcher qqc. de + verbe à l'inf. Gêner dans son déroulement, dans son comportement.

— [Le suj. désigne une pers.] Celui qui voudrait empêcher les cerisiers de ceriser (CLAUDEL, J. d'Arc, 1939, p. 1221).

— [Le suj. désigne un inanimé] La clavicule (...) empêche le bras de se porter trop en avant (CUVIER, Anat. comp., t. 1, 1805, p. 245).

c) Emploi pronom. S'empêcher de + verbe à l'inf. S'abstenir de, se dispenser de. Vous aurez peine peut-être à vous empêcher de sourire en écoutant la lecture de ces passages (COURIER, Pamphlets pol., Procès de P.-L. Courier, 1821, p. 115). Je l'entends qui fredonne, pour s'empêcher de penser (SARTRE, Nausée, 1938, p. 26) :

• 5. On cite une marquise du commencement de ce siècle, qui prétendait qu'en le voulant bien on pouvait s'empêcher de mourir. Elle n'est peut-être morte que d'une distraction.

FROMENTIN, Dominique, 1863, p. 192.

— Souvent dans un cont. négatif. Ne pouvoir s'empêcher de + verbe à l'inf. : admirer, demander, s'écrier, frémir, etc. La foule ne put s'empêcher de pousser un cri (CHATEAUBR., Martyrs, t. 3, 1810, p. 185). Alban, (...) ne pouvait s'empêcher de pousser un soupir (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p. 435).

♦ Rare. Ne pouvoir s'empêcher que de + verbe à l'inf. Je n'ai pas pu m'empêcher que de l'embrasser (AYMÉ, Jument, 1933, p. 58).

3. Empêcher que. Mêmes sens.

a) Empêcher que + (ne) + verbe au subj. Je les [des fleurs] mettrai tremper pour empêcher qu'elles se fanent (RAMUZ, Gde peur mont., 1926, p. 47). Le crépuscule recouvrait Thérèse, empêchait que les hommes la reconnussent (MAURIAC, Th. Desqueyroux, 1927, p. 172) :

• 6. Ce roman, je le vois comme une masse qu'il faut sans cesse arrêter à mi-chemin d'une pente, redresser, empêcher qu'elle ne glisse et ne dévie...

GREEN, Journal, 1931, p. 52.

• 7. Peux-tu faire que tout ceci n'ait pas été? Quelque chose est arrivé que nous ne sommes plus libres de défaire. Peux-tu empêcher que nous soyons pour toujours les assassins de notre mère?

ORESTE. — Crois-tu que je voudrais l'empêcher?

SARTRE, Les Mouches, 1943, II, tabl. II, 8, p. 84.

b) Ne pas empêcher que (ne)

— [+ verbe au subj.] Tout cela n'empêcha point qu'à Argos il [Pyrrhus] ne reçût une tuile sur la nuque (MUSSET, Lettres Dupuis Cotonet, 1837, p. 750). Il n'empêchait que Laure se sentît dans une atmosphère de suspicions (DANIEL-ROPS, Mort, 1934, p. 165). Cela n'empêche pas qu'il n'y ait dans certains milieux néo-classiques un snobisme de Bossuet (THIBAUDET, Réflex. litt., 1936, p. 108).

— [+ verbe à l'ind.] Cette conduite n'empêcha pas que l'on ne crut pas, dans une semblable circonstance, devoir lui confier le soin d'administrer le département (BALZAC, Annette, t. 3, 1834, p. 236).

Rem. 1. La présence de ne dans la complétive au subj. est fréq., surtout dans la lang. soignée; mais elle y est facultative lorsque empêcher est à la forme négative ou interr. (cf. Je n'empêche pas qu'il (ne) fasse ce qu'il voudra, Ac. 1798-1932) et fait souvent défaut dans les énoncés de la lang. fam. qui ,,à le bien prendre, n'ont rien de fautif en soi`` (LITTRÉ). 2. Il arrive que les expr. cela (ceci, ça, ce qui) n'empêche pas que, et surtout il n'empêche que, soient dépourvues de valeur verbale et fonctionnent comme loc. conj.; dans ce cas, le verbe qu'elles introduisent est à l'ind. ou au cond. (cf. infra).

4. Loc. conj. de coordination à valeur oppositive-concessive. (Il) n'empêche que, cela (ceci, ça, ce qui) n'empêche pas que. Et pourtant, malgré cela.

a) [Le verbe de la proposition est à l'ind.] Ce qui n'empêche pas que j'attends votre volume... (FLAUB., Corresp., 1877, p. 33). Le grand maître-nageur! N'empêche qu'hier soir, il n'a jamais osé traverser la rivière (MARTIN DU G., Taciturne, 1932, II, 4, p. 1284). Et puis ça n'empêche pas que c'est une maladie terrible, la peste (PAGNOL, Fanny, 1932, I, 1^er tabl., 14, 1932, p. 54). Il n'empêche que Mussolini se réclame de Hegel (CAMUS, Homme rév., 1951, p. 222).

b) [Le verbe de la prop. est au cond., pour marquer une éventualité, une hypothèse] Ce qui n'empêche pas que j'aurais aimé être belle... (GONCOURT, R. Mauperin, 1864, p. 108). Il n'empêche que, si j'entrais dans son jeu, (...) tu ne me pardonnerais jamais cette folie (MAURIAC, Mal Aimés, 1945, II, 9, 215).

— Fam. Il n'empêche, n'empêche. Il n'empêche. Je n'aime pas cela (CAMUS, Caligula, 1944, I, 1, p. 10). Il avait des excuses. N'empêche. J'ai la priorité (AYMÉ, Clérambard, 1950, IV, 9, p. 237).

Rem. On rencontre ds la docum. empêchant, ante en emploi adj. Qui empêche. Synon. contrariant, inhibiteur. L'hormone ovarienne de la poule exerce une action empêchante sur la pousse des ergots et du plumage masculin (CUÉNOT, ROSTAND, Introd. génét., 1936, p. 41).

Prononc. et Orth. :[] ou p. harmonis. vocalique et malgré l'infl. de l'accent circonflexe [], (j') empêche []. Enq. : // (il) empêche. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. I. 1. Début XII^e s. « mettre (quelqu'un) dans l'impossibilité d'agir, l'entraver » (Psautier d'Oxford, 77, 35 ds T.L.); XIII^e s. ampagier (quelqu'un) de (+ inf.) (Droit de la cort li rois d'Alam., ms. Berne A 37, f° 4^e ds GDF. Compl.); 1534 empescher que (EST.); 2. ca 1160-74 réfl. « s'empêtrer, s'entraver » (WACE, Rou, éd. A.-J. Holden, 3^e partie, 4607); 3. 1297 « mettre obstacle à ce qu'une chose ait lieu » [ki] empaieschast le vendage (Doc. A. de Tournai ds GDF. Compl.); 4. 1580 verbe pronom. s'empêcher de (MONTAIGNE, Essais, éd. A. Thibaudet, I, ch. XIV, p. 87). II. 1539 subst. masc. Les empeschez (EST.); 1549 faire l'enpesché (ibid.). Du b. lat. impedicare « prendre au piège, entraver » (dér. de pedica « entrave »). Fréq. abs. littér. :13 417. Fréq. rel. littér. : XIX^e s. : a) 18 726, b) 19 972; XX^e s. : a) 17 994, b) 19 555. Bbg. GOTTSCH. Redens. 1930, p. 405. — KELLER (H.-E.). Notes d'étymol. gallo-romane et romane. In : [Mél. Wartburg (W. von)]. Tübingen, 1968, p. 245.

empêcher [ɑ̃peʃe] v. tr.

ÉTYM. XII^e, empeschier; du bas lat. impedicare « prendre au piège », de in-, et pedica (→ Piège), de pes, pedis (→ Pied).

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1 Vx. Entraver, obstruer (un passage, etc.).

1 (…) si on refuse aliments (à cet appétit, il) empêche les conduits, arrête la respiration, causant mille sortes de maux (…)

Montaigne, Essais, III, 5.

♦ Vx. Encombrer, gêner (quelqu'un).

2 La raison nous commande assez de nous dépouiller quand nos robes nous chargent et empêchent.

Montaigne, Essais, II, 8.

3 Et dit en soupirant que la nuit de sa vue

Ne l'empêche pas tant que la nuit de son cœur.

Malherbe, Larmes de saint Pierre, Au Roy.

2 Mod. || Empêcher qqch. : mettre obstacle, s'opposer à (une chose) de sorte qu'elle n'a pas lieu, ne se produit pas. ⇒ Éviter. || Il faut à tout prix empêcher cela. || Faire de vains efforts pour empêcher qqch. || Mal qu'on ne peut empêcher. ⇒ Conjurer, écarter (→ Arrêt, cit. 10). || Accepter, tolérer ce qu'on ne peut empêcher. || Empêcher un mariage. || Empêcher un crime (→ Criminel, cit. 9), un délit (cit. 4). || Empêcher un complot (⇒ Déjouer), une révolte (⇒ Étouffer, prévenir). || Empêcher la vente d'une marchandise. ⇒ Défendre, interdire, prohiber. || Empêcher la manifestation d'un phénomène (→ Déterminisme, cit. 1), la déperdition de chaleur, le développement des microbes (→ Antisepsie, cit.). || Empêcher les progrès d'une idée. ⇒ Enrayer (→ Aristocratie, cit. 7). — (Sujet n. de chose). || Digue qui empêche les inondations (⇒ Endiguer). || Isthme qui empêche la communication des mers. || L'effondrement du pont empêche tout passage, toute circulation sur cette route. ⇒ Arrêter, barrer, bloquer, condamner, couper, fermer, interdire, supprimer. || Cette muraille empêche la vue (Académie). ⇒ Barrer, cacher, dérober, masquer, offusquer.

4 Nos sens n'aperçoivent rien d'extrême (…) trop de distance et trop de proximité empêche la vue (…)

Pascal, Pensées, II, 72 (→ Apercevoir, cit. 11).

5 Si le tourment empêche le sommeil les larmes sont un narcotique.

Alphonse Daudet, le Petit Chose, II, XIV, p. 358.

6 J'ai tout fait pour empêcher ce mariage inepte.

Martin du Gard, les Thibault, t. II, p. 215.

7 Car que sert d'interdire ce qu'on ne peut pas empêcher ?

Gide, les Faux-monnayeurs, I, II, p. 20.

3 Cour. Entraver (qqn), arrêter (qqch.) dans son action, dans son évolution.

♦ Empêcher (qqn) de faire (qqch.) : faire en sorte qu'il, elle ne puisse pas. ⇒ Détourner, retenir (qqn de…). || Empêcher qqn d'agir comme il l'entend, d'aller où il lui plaît (⇒ Brider, contraindre, contrecarrer, enchaîner, enfermer, gêner). || Empêcher qqn de s'enfuir (→ Accusé, cit. 1), de sortir (⇒ Consigner), de passer (→ Barrer la route). || Empêcher qqn de parler, le faire taire, l'interrompre, lui couper la parole… (⇒ Bâillonner, museler). || Empêcher qqn de travailler (→ Besogne, cit. 9), de vivre en paix (→ Achever, cit. 17), de se disputer (→ Chamailler, cit. 3). || Soutenir qqn pour l'empêcher de tomber. — Pétition à la Chambre des députés pour les villageois que l'on empêche de danser, pamphlet de P.-L. Courier (1822).

8 (…) L'amour que vous lui donnez (…) l'empêche d'avoir des yeux que pour vous.

Molière, la Comtesse d'Escarbagnas, II.

9 Ce guerrier franc (…) qui fendit le vase à coups de hache, sans que le chef osât l'en empêcher.

Voltaire, Essai sur les mœurs, 18.

10 En occupant les gens de leur propre intérêt, on les empêche de nuire à l'intérêt d'autrui.

Beaumarchais, le Barbier de Séville, I, 4.

11 — Ne venez pas ici, pour empêcher les autres de travailler (…)

P. Mac Orlan, la Bandera, XV, p. 183.

♦ (Sujet n. de chose). || Circonstances, obstacles qui empêchent qqn de faire qqch. (→ Contretemps, cit. 2; coupure, cit. 2). || Rien ne peut l'empêcher d'accomplir (cit. 8) ce qu'il a décidé (→ Décision, cit. 3). || Ces difficultés ne l'ont pas empêché de réussir (⇒ Nonobstant). || Le bruit l'empêche de travailler. || La maturité ne l'empêche pas d'être désirable (cit. 4). || Sa timidité l'empêche de s'exprimer. || Sa colère l'empêche de penser, d'y voir clair (→ Aveugler, fig.). || Une paralysie l'empêche de parler, l'asthme de respirer. || Cette haie, ces arbres nous empêchent de voir. || Les soucis ne l'empêchent pas de dormir.

12 (…) Cette crainte maudite

M'empêche de dormir, sinon les yeux ouverts.

La Fontaine, Fables, II, 14.

13 Deux obstacles presque invincibles nous empêchent d'être les maîtres de nos volontés, l'inclination et l'habitude (…)

Bossuet, Sermon pour le carême, IV, Pénitence, 2.

14 (…) qu'est-ce qui nous empêche d'être des hommes comme eux (les Romains et les Grecs) ?

Rousseau, le Gouvernement de Pologne, II.

15 (Un amour tel qu') un Sultan peut le ressentir pour sa Sultane favorite, ce qui ne l'empêche pas de lui préférer souvent une simple Odalisque.

Laclos, les Liaisons dangereuses, Lettre, CXLI.

16 Comme l'amour d'une femme ne l'a jamais empêché non plus (B. Constant) d'en aimer une autre dans le même instant (…)

Émile Henriot, les Romantiques, p. 473.

17 Rien ne l'empêchait de se confesser avant (…)

J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, II, p. 19.

♦ (Sans compl. dir.). || Écrire empêche de vivre (→ Acte, cit. 3). || Sa robe n'empêche pas de deviner ses formes. || La passion empêche de voir la réalité (⇒ Aveugler).

♦ Absolt. || La discipline ne se borne pas à empêcher. ⇒ Interdire.

♦ Empêcher qqch. de (avec l'inf.). || Un secret pour empêcher la terre de trembler (→ Autodafé, cit. 3). || Presse-papiers qui empêche les feuilles de s'envoler. || Rien n'empêche le temps de courir. || Empêcher une illusion de naître, la colère d'éclater (⇒ Comprimer), les larmes de couler (⇒ Contenir).

18 La nature soutient la raison impuissante et l'empêche d'extravaguer jusqu'à ce point.

Pascal, Pensées, VII, 434.

19 Quand la pierre, opprimant ta poitrine peureuse

Et tes flancs qu'assouplit un charmant nonchaloir,

Empêchera ton cœur de battre et de vouloir,

Et tes pieds de courir leur course aventureuse.

Baudelaire, Spleen et Idéal, XXXIII.

♦ Empêcher que (avec le subj.). || Élever des digues pour empêcher qu'un fleuve ne déborde. || Empêcher que la vérité ne soit connue. || Détruire les installations pour empêcher que l'ennemi n'en profite.

REM. Après empêcher que, on met ordinairement ne (→ Affranchir, cit. 1; ange, cit. 19; carnation, cit. 3; contenter, cit. 7). Cependant l'Académie admet qu'on dise : avec la négation je n'empêche pas qu'il ne fasse ou qu'il fasse ce qu'il voudra. De même Littré : je n'empêche pas qu'il ne sorte ou qu'il sorte.

20 (…) qu'on empêche qu'il ne sorte.

Molière, le Médecin malgré lui, III, 8.

21 Faut-il tuer pour empêcher qu'il n'y ait des méchants ?

Pascal, Pensées, XIV, 911.

22 Elles avaient les yeux baissés en terre et le visage couvert d'un voile qui n'empêchait pas qu'on n'entrevît la rougeur que répandait sur leurs joues une pudeur virginale (…)

Rollin, Traité des Études, VI, II, 5.

23 La lecture des journaux empêche qu'il n'y ait de vrais savants et de vrais artistes (…)

Th. Gautier, Préface de M^lle de Maupin, éd. critique Matoré, p. 49.

24 Rambert luttait pour empêcher que la peste le recouvrît.

Camus, la Peste, p. 156.

♦ Cela n'empêche pas que (suivi de l'indicatif quand on constate un fait). || Cela n'empêche pas que vous avez tort.

25 Sa gaieté n'empêche que Voltaire eut un véritable chagrin de la mort de sa vieille amie (…)

Émile Henriot, Portraits de femmes, p. 182.

REM. L'emploi du subjonctif est cependant possible. || Cela n'empêche pas que vous puissiez partir.

4 ☑ Loc. (de coordination). (Il) n'empêche, il n'empêche que, n'empêche que : cependant, malgré cela (→ Copte, cit. 2; creux, cit. 6). Avec le verbe au conditionnel, pour exprimer une éventualité. || N'empêche que tu pourrais venir, si tu le voulais bien. || N'empêche que j'aurais bien aimé le voir.

26 Dans notre langue actuelle, nous avons des formes qui ont pu être jadis des propositions, mais qui en réalité sont réduites au rôle d'éléments lexicologiques; tu dis qu'il ne va pas dans cette maison, n'empêche qu'on l'y a encore vu hier soir.

F. Brunot, la Pensée et la Langue, p. 29.

27 Raisonnablement, ces drames (de Hugo) sont plus discutables (…) N'empêche que cela se lit, et ne vous lâche plus, une fois qu'on y a mis le nez.

Émile Henriot, les Romantiques, p. 15.

♦ Fam. || N'empêche : ce n'est pas une raison.

27.1 — Et mariée, elle, dit-elle, trois enfants, et ivrogne, c'est à se demander. — N'empêche, peut-être ?

M. Duras, Moderato cantabile, p. 37.

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s'empêcher v. pron.

1 Vx. S'abstenir, se dispenser de.

2 Mod. (Souvent dans un contexte négatif). || S'empêcher de (avec l'inf.) : se retenir de. || Il ne put s'empêcher de parler, de répondre, de trembler (→ Carcasse, cit. 5), de pleurer. || Se mordre les lèvres pour s'empêcher de rire. || Je ne puis m'empêcher de penser qu'il aurait pu en être autrement. || Je n'ai pas pu m'en empêcher.

28 Aussitôt que je vous vis, je ne pus m'empêcher de vous aimer.

Scarron, le Roman comique, I, XIII, p. 70.

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empêché, ée p. p. adj.

1 Vx et littér. Embarrassé.

29 Les mystères de cour souvent sont si cachés

Que les plus clairvoyants y sont bien empêchés.

Corneille, Nicomède, III, 4.

30 (Le pauvre loup) Empêché par son hoqueton,

Ne peut ni fuir ni se défendre.

La Fontaine, Fables, III, 3.

2 ☑ Loc. (vx). Être empêché de sa personne, de sa contenance : ne savoir comment se tenir. ⇒ Emprunté, gauche.

31 (…) vous dites que vous avez peur des beaux esprits. Hélas ! ma chère, si vous saviez qu'ils sont petits de près, et combien ils sont quelquefois empêchés de leur personne (…)

M^me de Sévigné, Lettres 237, 13 janv. 1672.

♦ Mod. (rare). || Un air empêché. ⇒ Emprunté.

32 (…) les airs un peu empêchés que prenaient les gens (…)

J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, XXII, p. 190 (→ Colloque, cit. 2).

3 Littér. || Être empêché de, incapable de. || Je serais bien empêché de vous répondre (⇒ Incapable).

33 (…) on serait bien empêché de dire ce qui arrivera de ce nuage répandu partout (sur toute l'Europe).

M^me de Sévigné, Lettres 1168, 22 avr. 1689.

4 Cour. Retenu par des occupations. ⇒ Occupé. || M. X…, directeur du cabinet, représentait le ministre empêché. || Juré régulièrement empêché. ⇒ Excusé (→ Assesseur, cit. 2).

34 Dis-lui que je suis empêché, et qu'il revienne une autre fois.

Molière, l'Avare, III, 8.

5 Arrêté, entravé dans son action.

35 Tout ce qui n'est pas défendu par la Loi ne peut être empêché (…)

Déclaration des droits de l'homme, Constitution du 3 sept. 1791, art. 5.

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CONTR. Aider, autoriser, consentir, encourager, exciter, faciliter, favoriser, laisser, permettre, pousser, seconder.

DÉR. Empêchement, empêcheur.

Encyclopédie Universelle. 2012.